Il faudra quarante ans pour démanteler la centrale de Fukushima

Dans la centrale dévastée de Fukushima-Daiichi, « on n’en est qu’au début de travaux de longue haleine », décrit Thierry Charles, directeur général adjoint de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)….

…qui, depuis deux ans, maintient une veille permanente : « La situation est stabilisée, mais tout reste à faire. »

L’urgence ? Vider les piscines d’entreposage des combustibles, situées dans les parties supérieures des réacteurs gravement endommagées. Aujourd’hui refroidies en circuit fermé, à des températures inférieures à 30º C, elles restent sous la menace d’un nouveau séisme qui pourrait provoquer une catastrophe radiologique.

L’état de la piscine du réacteur 4 est très critique, car elle est la plus chargée en assemblages (1 535 barres) encore très « chauds ». L’exploitant, Tepco, doit commencer à les évacuer en novembre et prévoit d’achever la récupération fin 2014. Cette reprise de combustibles dégradés, dont l’état n’est pas connu, sera une première. Elle nécessitera d’immerger dans la piscine un « château » (sorte de gros casier à alvéoles) et d’extraire un à un les assemblages, qui seront ensuite transférés dans la piscine de désactivation commune du site, ou dans un entreposage à sec. Le même traitement est programmé pour les piscines des réacteurs 1, 2 et 3.

LIMITER LES REJETS RADIOACTIFS

Le chantier suivant, qui devrait durer dix ans, sera le retrait des combustibles des réacteurs eux-mêmes. Les opérations s’annoncent difficiles. Les coeurs des réacteurs 1 à 3 ont fondu dans les premières heures qui ont suivi l’accident et le « Corium » (magma de matière fissile et de métal), après avoir percé les cuves, s’est déposé au fond des enceintes de confinement et agrégé au béton. La radioactivité est telle qu’aucune intervention humaine n’est possible. Il faudra des robots puis des sites d’entreposage spéciaux.

Dans l’immédiat, Tepco s’emploie à limiter les rejets radioactifs qui persistent dans l’air, le sol et les eaux souterraines. Quelque 400 tonnes d’eau s’infiltrent chaque jour dans les sous-sols des bâtiments des réacteurs, où de l’eau douce est injectée en permanence pour les maintenir à une température inférieure à 50º C. Les actions sont menées sur plusieurs fronts : étanchéification de galeries ; pose d’une paroi enterrée entre le site et l’océan ; construction de citernes pour stocker 340 000 tonnes d’eau contaminée.

Quant au démantèlement complet des installations, il demandera une quarantaine d’années. Environ 3 000 ouvriers – les radiations obligent à faire tourner les équipes – interviennent sur le plus grand chantier de déconstruction de l’histoire du nucléaire.

Pierre Le Hir – LE MONDE – 11 mars 2013

 

 

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