La transition énergétique s’oriente vers un bouquet bien garni

Pétrole, gaz de schiste, nucléaire, éolien, etc. Le Débat national sur la transition énergétique initié par le gouvernement, qui doit déboucher sur une loi de programmation en septembre 2013, pose notamment la question du mix énergétique de la France à l’horizon 2025, puis au-delà. L’exercice met en évidence des intérêts divergents au point de s’apparenter à une mission impossible.

Alors que le Débat national sur la transition énergétique (DNTE) engagé par le gouvernement poursuit sa phase de « concertation et participation », avec notamment l’organisation des Journées de l’énergie du 29 au 31 mars, la Gazette continue d’en décrypter les grands enjeux.

Parmi les thèmes proposés aux participants au Débat, celui du mix énergétique à l’horizon 2025 peut être abordé de multiples manières. La réponse divergera selon que l’on mette plutôt l’accent sur les enjeux environnementaux, économiques ou sociaux, que l’on privilégie le court, le moyen ou le long terme… et que l’on représente tel ou tel groupe d’intérêt. Ainsi, si la raison d’être de la transition – lutter contre le réchauffement climatique – est partagée par le plus grand nombre, les moyens d’y parvenir divisent.

Pétrole et gaz, deux cibles idéales – Et d’abord, quelle place accorder aux combustibles fossiles ? Ils absorbent près de 70% de la consommation d’énergie finale nationale et sont à 97% importés. Sources d’émissions de gaz à effet de serre (GES), de déficit commercial – les achats de pétrole et de gaz se sont élevés à 69 milliards d’euros en 2012, soit plus que le déficit de la balance commerciale ! – et de forte dépendance de l’étranger, ils semblent une cible idéale pour qui plaide la conversion vers une économie décarbonée. Mais ils sont le moteur de toute une économie. Par exemple, le transport routier et les industries automobile et chimique représentent plus d’un million d’emplois et des dizaines de milliers d’entreprises.

Polémique autour du diesel – Alors, lorsque le projet d’une nouvelle fiscalité du diesel a été avancé en février, les lobbies sont montés au créneau. La Fédération nationale des transports routiers (FNTR) a réclamé le maintien d’une fiscalité réduite sur le gazole . Tandis que l’ONG Fondation Nicolas Hulot (FNH) a jugé cet avantage « obsolète ». Elle qui dénonce plus généralement, avec Réseau Action Climat (RAC), « un monde à l’envers », où « l’Etat subventionne des secteurs nocifs à l’environnement » .

Montebourg-Batho, acte I – Sur ce sujet comme sur d’autres, les ministres du Redressement productif Arnaud Montebourg et de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie Delphine Batho jouent chacun leur partition. Quand l’un s’oppose à une augmentation de la fiscalité du diesel car elle « pénaliserait les constructeurs français », l’autre la juge « incontournable » pour des raisons de santé publique.

Montebourg-Batho, acte II – Autre illustration : le gaz de schiste. Le monde français de l’industrie veut, au regard de l’avantage compétitif qu’en tirent les entreprises implantées aux Etats-Unis, « relancer le débat » . Arnaud Montebourg s’y déclare « favorable », contrairement à sa collègue Delphine Batho qui considère que, fracturation hydraulique ou pas, « l’enjeu de la transition énergétique n’est pas d’aller chercher de nouveaux hydrocarbures ». C’est précisément le discours des ONG pour qui la transition énergétique, « ce n’est pas consommer toujours plus d’énergies fossiles », et ce, quelle que soit leur provenance.

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Le mix électrique en vedette – Les hydrocarbures n’ont pas l’exclusivité de ces échanges passionnés, loin de là. La question du mix électrique (nucléaire, gaz, éolien, etc…)domine même les discussions sur la transition. Et l’association des producteurs, fournisseurs et transporteurs du secteur (UFE) déplore « une forte propension à se polariser » sur ce sujet alors que l’électricité représente moins du quart de la consommation d’énergie finale. Elle observe surtout que, « pour produire un MWh, la France émet quatre fois moins de CO2 que la moyenne européenne ». Mais dans le pays le plus nucléarisé du monde – autour de 78% de la consommation d’électricité -, le sujet est forcément sensible.

Le nucléaire, « filière d’avenir » – Ainsi, en décrétant, le 26 août 2012, que le nucléaire constituait « une filière d’avenir », Arnaud Montebourg a déclenché l’ire de ses partenaires écologistes au gouvernement et de la plupart des ONG. Alors qu’il n’a en réalité fait que traduire la position majoritaire de son parti, le PS. D’ailleurs, en fixant d’autorité, lors de son discours d’ouverture de la Conférence environnementale, le 14 septembre 2012 , la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50% à l’horizon 2025, le chef de l’Etat a de facto restreint le débat sur le mix électrique. Et, en corollaire, contenu les ambitions des promoteurs d’énergies renouvelables, notamment l’éolien et le photovoltaïque.

Compromis difficile – Alors, quel mix énergétique à l’horizon 2025 ? Quel « bouquet », terme désormais privilégié car « plus accessible aux citoyens » ? Les centaines de contributions d’acteurs, institutionnels ougrand public , mises en ligne sur le site du DNTE, les messages « postés » sur les réseaux sociaux Twitter et Facebook  et les innombrables prises de position de partis, ONG, syndicats ou encore fédérations professionnelles montrent la difficulté de cet exercice participatif. Une mission même impossible s’il s’agit de viser un consensus. Et délicate pour trouver ne serait-ce qu’un compromis. La loi de programmation annoncée pour septembre fera de nombreux mécontents…

Par O. Schneid – Publié le 26/03/2013

 

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