Un an de changement(s) pour le Développement
Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement, a tenu à établir un bilan d’un an d’action ministérielle…
J’ai voulu établir ce bilan d’un an d’action ministérielle car rendre compte de mon action est un élément clé de mon engagement politique. Ce bilan ne résume pas la politique de développement, mais les changements intervenus depuis un an. La France a pour la première fois un ministre chargé à temps plein de la politique de Développement, c’est-à-dire de nos actions de solidarité internationale dans près de 100 pays dans des domaines comme la santé, l’éducation, l’énergie, l’agriculture, la promotion des sociétés civiles, la lutte contre les discriminations, etc. Ce changement de nom, voulu par le Président de la République s’accompagne de la rénovation de cette politique.
Cette rénovation, nous la réalisons malgré un contexte budgétaire contraint. Ainsi, en 2013, les budgets de l’aide au développement ont été préservés, grâce à l’affectation au développement de 10% du produit de la taxe française sur les transactions financières. Avec les Assises du développement et de la solidarité internationale, nous avons lancé une concertation inédite depuis 15 ans. Elle débouche sur la première loi française sur le développement, qui sera présentée en conseil des ministres à l’automne.
A côté de l’aide publique, je mets l’accent sur le soutien aux conditions du développement : la transparence des industries extractives et des multinationales, la lutte contre l’évasion fiscale dans les pays du sud, etc.
Enfin, cette politique s’intègre dans une vision d’ensemble : celle du développement soutenable sur une planète aux ressources limitées.
- Rénover la politique de développement
En un an qu’est ce qui a changé au Ministère du développement ? Le nom d’abord. Le ministère de la coopération, avec tout ce qu’il pouvait véhiculer, n’existe plus. Avec la disparition des intermédiaires et de la « cellule Afrique », maintenant intégrée à la cellule diplomatique de l’Elysée, c’est l’ensemble de l’organisation institutionnelle qui a été modifié. Entre la France et les pays africains, il n’y a plus de relations obligées et c’est une bonne nouvelle. Bien sûr, l’Afrique est et restera la priorité en matière de politique d’aide au développement tout simplement parce que c’est là que se trouvent les situations de plus grande pauvreté.
- Les Assises du développement : une concertation sans équivalent depuis 15 ans
Les Assises du développement et de la solidarité internationale [1] se sont tenues entre novembre 2012 et mars 2013. Cela faisait 15 ans que la France n’avait pas mis en débat sa politique de développement. En 15 ans le monde a changé : des pays en développement sont devenus des puissances émergentes, les défis environnementaux et climatiques se sont encore accentués, etc. Ces assises ont permis de définir les axes de la rénovation de la politique de développement avec les parlementaires, les élus locaux, les ONG, les entreprises, les fondations, les organismes de recherche, les syndicats, les partenaires du sud… A l’occasion de la clôture des Assises, le président de la République a annoncé la présentation à l’automne 2013, d’une loi d’orientation et de programmation sur le développement. Ce texte, le premier de l’histoire de la Vème République sur le développement, permettra d’en finir avec le caractère discrétionnaire de cette politique et d’acter au niveau législatif sa modernisation.
- Une nouvelle instance de concertation : le conseil national du développement et de la solidarité internationale
A la suite des Assises, nous avons souhaité mettre en place une structure permanente de concertation avec la société civile. En effet, depuis la dissolution en 2008 du haut conseil de la coopération internationale (HCCI), aucune instance de concertation formelle ne réunissait plus l’ensemble des actrices et des acteurs du développement. Le Conseil national du développement et de la solidarité internationale viendra répondre à ce besoin et permettra à la société civile de prendre toute sa place.
- Une aide préservée dans un contexte budgétaire contraint
En 2013, le budget consacré à l’aide publique au développement a pu être préservé grâce àl’affectation de 10% du produit de la taxe sur les transactions financières au développement. Alors que le précédent gouvernement avait entièrement affecté le produit de cette taxe à la réduction des déficits, nous avons décidé d’en consacrer une partie au développement. Il aurait été bien sûr souhaitable d’aller au-delà de 10%, mais dans un contexte budgétaire contraint ce choix est déjà le signe d’une volonté politique forte. Je travaille maintenant à ce qu’une partie du produit de la taxe européenne, qui doit voir le jour pour 2014, puisse également aller au développement. Mais il faut savoir que la France n’a pas aujourd’hui de majorité sur cet engagement. La clôture des assises a permis d’annoncer la revalorisation de la taxe de solidarité sur les billets d’avion pour financer la lutte contre le sida. Elle n’avait pas été revalorisée depuis sa création en 2006. Enfin, nous avons entamé en 2013 le doublement sur le quinquennat de la part de l’aide confiée aux ONG.
- Des règles plus strictes contre la corruption et les paradis fiscaux.
L’Agence Française de Développement (AFD), qui est l’opérateur pivot de notre aide publique au développement) a renforcé fin 2012 l’ensemble de ses procédures relatives à la lutte contre la corruption et les paradis fiscaux. En matière de lutte contre la corruption, l’AFD utilisera dorénavant les listes dressées par la Banque mondiale pour exclure de ses marchés les entreprises impliquées dans des cas de corruption. Concernant les paradis fiscaux, l’agence s’interdit de travailler avec des entités localisées dans des juridictions non coopératives. J’ai élargi la liste des pays concernés à l’ensemble des territoires jugés non conformes par l’OCDE au-delà de la seule liste française.
- Intégrer les questions de genres dans l’ensemble de l’aide publique française
Dans de nombreux pays du Sud les droits des femmes et des minorités sexuelles sont souvent en risque ou à conquérir. Notre aide publique contribue à soutenir les acteurs de la société civile qui militent pour ces droits. J’ai également lancé en un programme pluriannuel visant l’autonomisation économique des femmes en Tunisie et au Maroc. Pour renforcer la prise en compte de la dimension du genre dans l’ensemble de nos projets, nous travaillons à une nouvelle stratégie Genre et développement qui sera adoptée avant l’été 2013.
2. Une politique de développement qui préserve la planète
Ma conviction est simple : dans le monde du XXI siècle, nous ne pouvons pas faire reculer la pauvreté durablement si nous n’adoptons pas des modèles de développement soutenables sur le plan environnemental. C’est pourquoi, depuis mon arrivée au ministère du développement, j’ai souhaité faire de la soutenabilité un impératif pour la politique française de développement. Depuis un an, nous travaillons à faire de l’AFD une référence en matière de développement durable. Cette action je la mène également au niveau européen et international. Je m’implique ainsi personnellement aux Nations-Unies au sein du groupe chargé de définir au plus tard en 2015, les futurs Objectifs du développement durable issus de Rio+20.
- Orienter l’action de l’AFD vers des solutions durables
Dans le domaine de l’énergie, les 6 milliards d’euros d’investissements qui seront consacrés au secteur dans les trois prochaines années auront désormais deux priorités : les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Si l’AFD n’était pas inactive en la matière, les priorités sont maintenant clairement définies. Cela se traduit également par l’arrêt de tout financement de centrales électriques au charbon en l’absence de système de capture et de stockage du CO2. L’AFD a également adopté en avril 2013 une nouvelle doctrine en matière agricole, et ne pourra plus financer de projets OGM ni des investissements agricoles qui ne respecteraient pas les principes de la FAO contre l’accaparement des terres.
- Inscrire le développement durable dans tous les projets de l’AFD
L’ensemble des projets feront l’objet d’une note évaluant les aspects sociaux et environnementaux, qui sera présentée au conseil d’administration de l’agence lors de la validation des projets. Cet avis complète l’appréciation financière du projet nécessaire à son financement par la banque de développement qu’est l’AFD. Ce principe, décidé en octobre 2012, a été appliqué pour la première fois au projet de construction de la première éco-cité d’Afrique, près de Casablanca au Maroc. Ce 2e avis sera généralisé à l’ensemble des projets, à compter d’octobre 2013.
- Renforcer la prise en compte des critères de responsabilité sociale et environnementale
Le caractère soutenable des projets doit non seulement se traduire dans leur contenu mais aussi dans les conditions de leur réalisation. Le respect des communautés locales, de la biodiversité ou encore des conditions de travail décentes sont autant d’impératifs pour garantir les effets positifs d’un projet de développement. En octobre, nous avons adopté le principe selon lequel l’Agence devra intégrer des clauses de responsabilité sociale et environnementale (RSE) dans la passation de ses marchés. Elle accompagnera également les entreprises locales dans leurs propres efforts de RSE. Cette nouvelle politique s’accompagne d’un plaidoyer international pour que les autres financeurs fassent de même.
3. Agir pour le développement au-delà de l’aide publique
Je ne limite pas mon action à la seule aide publique au développement. Car celle-ci ne peut atteindre ses objectifs si dans le même temps les grandes régulations mondiales ne participent pas également à créer les conditions du développement. Je veux ainsi contribuer à tirer la mondialisation vers le haut.
- Favoriser la transparence des flux financiers :
Les flux financiers qui sortent des pays du Sud en passant notamment par les paradis fiscaux, empêchant ainsi les Etats de collecter des impôts, représentent des montants 10 fois supérieurs à celui de l’Aide publique au développement. Avec Pierre Moscovici, nous avons défendu la directive européenne qui imposera aux industries extractives de déclarer pays par pays et projet par projet les revenus tirés de l’exploitation des ressources naturelles versés aux Etats. La France a fait bouger les lignes en Europe et a permis d’aboutir à un accord ambitieux en avril 2013. Cette mesure est essentielle pour assurer la transparence de ces recettes qui constituent la première source de financement pour de nombreux Etats au Sud. La France est également le premier pays à soutenir financièrement le nouveau fonds de la Banque Mondiale qui va permettre aux Etats africains qui le souhaitent de faire financer des journées d’avocats et de fiscalistes pour mieux négocier les contrats face aux grandes entreprises. De la même manière, j’ai souhaité que la France, avec la Norvège, contribue au financement de l’étude de faisabilité de l’initiative Inspecteurs des Impôts sans frontières qui a pour objectif d’aider les pays en développement sur des cas concrets à contrôler les déclarations fiscales des firmes multinationales.
- Soutenir des accords commerciaux au service du développement
La question de la cohérence des politiques publiques par rapport à l’objectif de développement a été au cœur des débats des assises du développement et de la solidarité internationale. Et elle sera au cœur du Comité interministériel qui se réunira en juillet sur le développement. Cette volonté de cohérence s’est déjà traduite sur la question des Accords de partenariats économiques (APE), ces accords commerciaux qui incitent les Etats africains à ouvrir leurs marchés aux entreprises européennes. La France a soutenu un report à 2016 de la date butoir pour les négociations, afin de rendre ces accords plus favorables aux Etats africains. Malheureusement, le Parlement européen et le Conseil se sont mis d’accord sur un report à octobre 2014.
- La fin des mélanges entre contrôle des flux migratoires et développement
Nous avons mis fin à la liaison entre la politique de développement et la politique migratoire. Le précédent gouvernement avait déplacé une partie du budget alloué au développement du Quai d’Orsay vers le ministère de l’Intérieur pour pouvoir négocier le financement de projets comme contrepartie à la signature d’accord de gestion concertée des flux migratoires. Ce lien a été supprimé puisque la totalité du budget concerné est revenu sous ma responsabilité. Mon objectif est maintenant de donner corps à cette nouvelle politique de « développement partagé », qui valorise la mobilité au bénéfice du Nord et du Sud.
4. Gagner la paix au Mali par le développement
Mon objectif en tant que ministre du développement est de gagner la paix au Mali. L’intervention française a permis de rétablir l’intégrité territoriale du pays et le processus de sécurisation de l’ensemble du pays est en cours. Nous le savons, il n’y a pas de développement possible sans sécurité. Il n’y aura pas non plus de sécurité durable sans développement. La première des priorités était la reprise de notre aide bilatérale. J’étais à Bamako et à Mopti mi-février lors de la réouverture du bureau de l’AFD. Par ailleurs, avec l’Union européenne, nous avons coordonné la réponse aux besoins dont le rétablissement des services publics de base (eau, santé, éducation, électricité…), le financement du retour des réfugiés et des déplacés, etc. Le 15 mai prochain à Bruxelles à l’initiative de la France et de l’Union européenne nous organiserons une Conférence internationale des donateurs.Nous mobilisons ainsi la communauté internationale pour rassembler les financements nécessaires. Enfin, le troisième pilier de mon action, c’est la mobilisation des collectivités locales et de la société civile, dont la diaspora malienne établie en France. Une partie de la solution au défi malien passe par le renforcement des collectivités locales. Nous avons organisé en mars une journée de mobilisation à Lyon pour donner un nouvel élan à la coopération décentralisée franco-malienne qui concerne une ville sur six au Mali. Nous avons également réuni en avril l’ensemble des acteurs de la diaspora malienne à Montreuil, et rencontré à Bamako la société civile malienne pour l’associer à la Conférence internationale de Bruxelles
5. Réussir la conférence climat à Paris en 2015
Avec Laurent Fabius et Delphine Batho je représente la France dans les négociations climatiques internationales. Le président de la République a proposé d’accueillir la COP en 2015. C’est une très grande responsabilité que de co-piloter la préparation de ce qui sera la plus grande conférence jamais organisée par la France et une étape clé pour résoudre l’un des plus grands défis de notre temps. Depuis plusieurs mois nous travaillons à une stratégie pour faire de Paris 2015 un succès. Cette stratégie sera finalisée avant l’été 2013.
Et maintenant ? Poursuivre et amplifier cette rénovation
J’entends poursuivre et amplifier cette rénovation dans les prochains mois. Cela se traduira notamment par de nouvelles orientations stratégiques en matière de biodiversité ou encore de développement urbain. Avant l’été, nous réunirons pour la première fois le Conseil national du Développement et de la solidarité internationale. Nous tiendrons également un Comité interministériel de la coopération internationale et du développement. A l’automne, le projet de loi d’orientation sur le développement sera présenté au conseil des ministres pour une discussion en début d’année prochaine au Parlement. La France continue ainsi de progresser vers une politique développement, soutenable, transparente et efficace, qui tire la mondialisation vers le haut.
Pascal Canfin, Ministre délégué chargé du Développement
[1] http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/aide-au-developpement-et/assises-du-developpement-et-de-la/